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"Des soldats du refus à la guerre d’Algérie"

vendredi 4 mars 2016, par Acca

Association des Combattants de la Cause Anticoloniale

dans le numéro spécial de la revue de l’AFASPA AUJOURD’HUI l’AFRIQUE n°125 Spécial Cinquantenaire de l’Indépendance été2012

De 1954 à 1962 l’opposition à l’intervention militaire en Algérie n’a pas cessé de progresser.

Nombreux furent les jeunes appelés qui s’efforcèrent de se soustraire à une participation à ces combats.

Certains multiplièrent les démarches pour obtenir un sursis d’incorporation,

D’autres cherchèrent des appuis pour effectuer leur service militaire en France métropolitaine ou en Allemagne.

D’autres ne répondirent pas à l’ « Appel sous les drapeaux ». Il y eut environ 10 000 insoumis. Pour ceux-là, il fallait disparaître, se faire oublier et souvent se réfugier à l’étranger.

Les archives militaires comptent 886 déserteurs (soldats qui quittent illégalement leur unité). Parfois au cours d’actions héroïques comme celle de Noël Favrelière qui déserta en Algérie et emmena avec lui un prisonnier menacé d’exécution sommaire. D’autres encore comme Bernard Sigg ou Claude Vinci... Mais pour eux aussi, il fallait ensuite disparaître, se cacher.

Plusieurs centaines d’ « objecteurs de conscience » furent aussi emprisonnés comme les Témoins de Jéhovah qui refusaient jusqu’au port de l’uniforme et d’autres militants chrétiens révoltés par les tortures et les exactions de l’armée.

Pour les communistes, dont le parti fut le seul en tant que parti, dès 1954, à dénoncer la répression en Algérie, et militer pour les droits légitimes du peuple algérien, l’action collective était prioritaire, déterminante. Leur engagement fut constant dans les mouvements de protestation, contestations, manifestations de toute nature qui se succédèrent durant toute la guerre.

Les communistes algériens étaient dans la lutte armée en Algérie.

En France, les communistes français menaient le combat idéologique pour montrer l’absurdité, l’injustice de cette guerre car il était évident que l’on ne pourrait y mettre fin sans obtenir l’appui de l’opinion publique française.

Pour ce faire, il fallait éviter à tout prix l’interdiction du pcf, de son journal et de tous ses moyens d’expression. Car la menace était réelle : en 1956 Michel Debré demandait que l’on mette le PC hors la loi.

Durant cette période la presse communiste fut censurée, poursuivie, saisie à de nombreuses reprises. L’Humanité fut l’objet de 150 poursuites et de lourdes condamnations. Elle fut saisie 27 fois. C’est dire que toutes les actions du PCF ne pouvaient être publiques comme par exemple l’édition de bulletins, journaux, édités et distribués aux soldats dans la clandestinité.

L’action privilégiait l’organisation de manifestations collectives comme avec les rappelés (plus de 200 manifestations d’avril à juillet 56).
couverture du livreEn juillet 1956, le soldat Alban Liechti jeune communiste, adresse une lettre ouverte au président de la république dans laquelle, il motive son refus de combattre le peuple algérien. Arrêté, emprisonné, il est condamné à deux ans de prison par le tribunal militaire d’Alger. Il s’agit là d’une initiative personnelle, car les communistes privilégient toujours l’action collective.

Le courant d’opposition à la guerre à marqué des points en France. Les gouvernements successifs, en difficulté sur les plans intérieur et international sont fragilisés et dans ces conditions, en septembre 57, le mouvement de la jeunesse communiste décide d’encourager de jeunes soldats à imiter Alban Liechti. Bien sur, cette initiative ne peut être publique mais le comité central du pcf en est informé par Henri Martin. L’initiative est impulsée par la publication en première page de l’Humanité de la lettre de Léandre Letoquart, fils d’un député communiste du Pas-de-calais et de la protestation contre son arrestation et son transfert en Algérie.

Il avait été précédé en juillet par Claude Despretz et suivi de Fernand Marin, Jean Clavel, Francis Renda puis en janvier 58 de Jean Vendart, Serge Magnien, Raphaël Grégoire et de plus de 40 soldats*.

Bien sur, à chaque fois, il ne peut s’agir que d’initiatives individuelles, il faut éviter à tout prix l’implication du pcf au risque de conduire à son interdiction. La répression est sévère. Les premières inculpations visent une entreprise de démoralisation de l’armée en vue de poursuivre le pcf mais les preuves manquent et cet argument sera abandonné. Les soldats seront le plus souvent condamnés à deux ans de prison par les tribunaux militaires pour refus d’obéissance. La protestation contre ces condamnations fut importante et donna lieu à des manifestations de soutien dans les localités, les entreprises d’où étaient originaires les soldats et aussi nationalement (voire même internationalement).

Elles furent aussi l’occasion pour de nouvelles personnes de s’engager contre la guerre à partir d’une démarche de solidarité avec les condamnés. D’ailleurs le pouvoir s’en inquiéta. Aussi fit-il tout son possible pour éviter les envois vers les tribunaux militaires en intensifiant les pressions, la répression avec l’affectation vers de régiments réputés disciplinaires parfois même, encourageant la désertion. Et puis, en utilisant les « sections spéciales » comme le pénitencier d’Albertville en Savoie ou le bagne militaire de Timfouchi dans le sud algérien où l’on était « affecté » par décision ministérielle sans aucune décision de justice. Et pourtant, les conditions de détention étaient des plus difficiles et la survie aléatoire.

Après le coup de force d’Alger de mai 58, le retour au pouvoir du général de Gaulle, l’espoir d’une paix rapide en Algérie s’éloigna et l’initiative de la JC de septembre 57 pour donner un dernier coup de pouce au mouvement de protestation contre la guerre, bien qu’ayant contribué à son développement n’avait pas réussi à prendre toute l’ampleur nécessaire. C’est dans ce contexte que le secrétaire du pcf, Maurice Thorez, lors d’une conférence fédérale le 31 mai 59, indiqua que le rôle des communistes à l’armée, pour lutter contre la guerre ne consistait pas à se laisser isoler mais de rester au milieu de leurs camarades pour effectuer le travail de conviction nécessaire à faire avancer les leurs idées. La justesse de cette attitude reçut d’ailleurs confirmation deux années plus tard lors du putsch des généraux qui échoua en grande partie grâce à l’opposition des militaires du contingent.

Les jeunes communistes qui refusèrent de combattre en Algérie cumulèrent plus d’une centaine d’années de prison, de multiples brimades et mauvais traitements dont certains ne se sont pas remis et nous ont quitté prématurément. Tous les soldats condamnés à la prison par les tribunaux militaires durent en plus effectuer la totalité de leur service militaire. C’est ainsi qu’Alban Liechti condamné deux fois à deux ans de prison, mobilisé en mars 56, ne retrouva la vie civile et la liberté qu’en mars 62.

Pour tous, à ce jour, pas de reconnaissance officielle, aucune indemnisation alors que les généraux putschistes et autres assassins de l’ OAS sont maintenant promus, décorés et largement indemnisés (reconstitution de carrière) pour le manque à gagner durant leur clandestinité.

Alban LIECHTI, Jean CLAVEL, Raphaël GREGOIRE et Jean VENDART.
les soldats du refus reçus au CC
Les soldats du refus reçus et fêtés par la direction du Parti Communiste au siège du Comité Central le 31 mars 1962. On reconnait Maurice Thorez, Waldeck Rochet, Jacques Duclos, Etienne Fajon, Raymond Guyot, Paul Laurent,

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* plusieurs témoignages ont étés publiés, d’autres sont en cours.
Signalons le dernier « soldats du refus » aux Editions de l’Epervier,
disponible à l’ACCA (28 rue Victor Hugo, Malakoff), 12 € port inclus.

Nous faisons appel à nos adhérents et amis pour nous fournir d’autres témoignages qui pourront s’ajouter à une prochaine édition augmentée des Soldats du Refus et que nous pouvons dès maintenant publier sur le site.

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